L’instruction interne révoquée était particulièrement controversée dans la mesure où elle prévoyait, de manière non conforme à la loi, que l'impôt étranger retenu à la source ne pouvait être déduit, pour la détermination du revenu net dans la déclaration d’impôt belge, qu'à hauteur du taux prévu par la convention préventive de la double imposition existant entre l’Etat de la source et la Belgique, alors même qu’en pratique un impôt plus important pouvait avoir effectivement été retenu à la source. Le montant à déclarer pouvait ainsi être supérieur au montant perçu. La nouvelle circulaire 2020/C/96 du 9 juillet annule cette instruction.
Code des impôts sur les revenus: déduction de l’impôt étranger réellement supporté
L’article 22 du code des impôts sur les revenus prévoit que lorsque des intérêts ou des dividendes sont obtenus, le montant imposable à l’impôt des personnes physique est le montant « encaissé ou recueilli sous quelque forme que ce soit, avant déduction des frais d’encaissement, des frais de garde et des autres frais analogues, majoré du précompte mobilier, du précompte mobilier fictif et, le cas échéant, du prélèvement pour l’Etat de résidence ». Les frais d'encaissement, les frais de garde et les autres frais analogues ne peuvent être déduits que si les revenus sont imposés de manière globalisée (art. 22, § 1, al. 2, CIR 1992).
Lorsque des revenus de dividendes ou intérêts ont une origine étrangère, les revenus subissent souvent une retenue à la source locale. Dans cette hypothèse, les impôts prélevés à l'étranger (par le débiteur ou par l'organisme payeur étranger) sont déductibles pour la détermination du revenu net des capitaux et biens mobiliers d'origine étrangère à déclarer à l’IPP (Com. IR 92, n° 22/3, al. 2). Le principe est donc que le contribuable ne doit déclarer que les dividendes étrangers nets d’impôt étranger (on parle en pratique de revenus « net frontière ») dans sa déclaration à l’impôt des personnes physiques.
- Par exemple, si, sur un dividende de 100, une retenue à la source de 35 est prélevée en Suisse, le contribuable belge devra déclarer le montant de 65 à l’IPP en Belgique (lequel sera soumis à un impôt en Belgique au taux distinct de 30 %).
Les Conventions préventives de la double imposition (ci-après, « CPDI ») signées entre la Belgique et les juridictions étrangères règlent, dans les situations transfrontières, l’impôt qui peut être prélevé entre autres sur les dividendes par chacun des deux Etats contractants.
Ces CPDI prévoient, en ce qui concerne la retenue dans l’Etat de la source (la Suisse dans notre exemple), l’application d’un taux conventionnel inférieur au taux prévu par la législation domestique (dans la plupart des conventions, ce taux est de 15 %). En pratique, c’est souvent le taux domestique qui est retenu à la source et le contribuable résident belge doit par la suite introduire une demande de remboursement auprès de l'Administration locale, sur base d'une attestation administrative 276-Conv .
- Dans notre exemple, le dividende subira une retenue à la source en Suisse de 35. Le contribuable belge pourra demander aux autorités suisses un remboursement de 20. S’il ne demande pas ce remboursement ou si celui-ci n’est pas encore intervenu au moment de la déclaration fiscale, le contribuable déclarera 65 en Belgique. Il devra ensuite déclarer 20 dans la déclaration fiscale relative à l’année au cours de laquelle il obtiendra le remboursement.
A côté de ce système, un certain nombre de pays (comme la France) acceptent que le taux conventionnel soit appliqué directement à la source, à condition que le contribuable résident belge ait rempli toutes les formalités nécessaires préalablement à la distribution des dividendes ou au paiement d’intérêts.
Dans ce cas, le montant « net frontière » perçu est le montant final à déclarer en Belgique.
Méthodologie prévue par l’ancienne instruction fiscale
Dans l'instruction 2019/I/45 du 26 septembre 2019, l'Administration soulignait que, dans le cas de revenus provenant d'un pays avec convention, le montant de l'impôt étranger retenu, déductible du revenu brut, ne peut dépasser le montant calculé conformément au tarif prévu par la CDPI applicable.
Pour les impôts étrangers, l’instruction interne du 26 septembre 2019 n’autorisait donc pas la déduction de l’entièreté de l’impôt étranger dans la déclaration fiscale belge, mais limitait cette déduction au taux maximal prévu par la convention préventive de double imposition, même si une retenue à la source plus élevée avait été effectivement prélevée.
Cette instruction prévoyait deux cas de figure, suivant une méthodologie défavorable au contribuable:
- Le taux effectivement prélevé est inférieur au taux prévu par la CPDI : le contribuable devrait tenir compte de l'impôt effectivement payé à l'étranger et ne pas prendre en compte le taux théorique prévu par la CPDI
- Le taux effectivement prélevé est supérieur au taux prévu par la CPDI : le contribuable doit déduire le taux théorique prévu par la CPDI. Il dispose alors d’une déduction inférieure au taux réellement prélevé à l’étranger. Selon l’instruction, le revenu net devait être déterminé sur base du taux conventionnel, que le contribuable demande ou non un remboursement, et que ce remboursement soit obtenu ou non pendant la période fiscale.
- Suivant cette instruction, notre contribuable devait donc déclarer à l’IPP un montant de 85 sur lequel il allait subir en Belgique un impôt de 30 %, même si en Suisse l’impôt prélevé s’élevait à 35 et qu’aucun remboursement n’avait été demandé/obtenu sur base de la Convention.
L'instruction n'a jamais été publiée et n'a été communiquée qu’en interne au sein de l'administration fiscale en septembre 2019. L’instruction ne se fondait sur aucune base légale et était difficilement compatible avec l’article 22 du CIR92 énoncé ci-dessus. Elle impliquait la taxation d’un revenu qui n’avait pas été effectivement obtenu. Elle risquait également de créer une discrimination entre les revenus étrangers perçus sur un compte ouvert dans une banque belge et ceux perçus à l’étranger sans l’intermédiaire d’une banque belge (et donc à déclarer). En effet, en cas de perception du revenu via un intermédiaire belge, le revenu net est précompté, donc après déduction de la retenue à la source étrangère effectivement prélevée. A notre connaissance, cette instruction a par ailleurs été appliquée lors de contrôles fiscaux effectués suite à la réception d’informations reçues par l’administration fiscale dans le cadre de l’échange automatique d’information (CRS) en matière de revenus mobiliers.
[H2] Nouvelle Circulaire du 9 juillet 2020 (circulaire 2020/C/96)
L’administration est récemment revenue sur sa position dans une circulaire du 9 juillet 2020 (circulaire 2020/C/96). La circulaire prévoit que «pour la détermination du revenu net des capitaux et biens mobiliers d’origine étrangère, il est prévu que les impôts prélevés à l’étranger sur ces revenus sont déductibles». L’administration fiscale confirme donc que la déduction des impôts effectivement prélevés à l’étranger est désormais possible.
La circulaire annonce déjà qu’une nouvelle circulaire viendra prochainement éclaircir les notions de « montant encaissé ou recueilli » et d’ « impôts prélevés à l’étranger sur ces revenus ». Dans l’attente de ces précisions l’administration fiscale indique que « le montant imposable des revenus mobiliers d’origine étrangère continue à être déterminé en tenant compte de l’impôt étranger qui a été déduit du montant du revenu payé par le débiteur étranger », ce qui implique que cette position s’applique également pour le passé.
- En 2021, le contribuable belge de notre exemple récupérera l'excédent de retenue à la source (soit 20 %). Le montant de la retenue à la source étrangère remboursé devra être déclaré pour l'année durant laquelle il a été effectivement obtenu.
Nous nous posons néanmoins encore la question des conséquences de la publication de la nouvelle circulaire pour des contribuables ayant accepté lors d’un contrôle fiscal antérieur de payer un supplément d’impôt conformément à l’ancienne instruction.