Selon la manière dont on le traite, dont on le plie, le papier se transforme. C’est un support formidable et accessible à tous !
Il y a 30 ans, j’ai commencé une collection de robes en papier. C’est dans les musées que j’ai trouvé mon inspiration, quand je regardais tous ces costumes, on n’arrivait pas à bien voir. La manière dont les artistes peintres reproduisaient les textiles dans les tableaux m’a toujours fort intéressée. J’ai voulu reproduire les robes comme on ne les avait jamais vues ! C’est parti d’une curiosité, j’ai commencé à faire des robes pour les ranger secrètement.
Un jour, des Américains sont arrivés, ils ont vu mon travail, et leur réaction fut immédiate : ne vendez jamais vos robes, exposez-les plutôt dans un musée ! Je fus surprise. Depuis lors, mes robes en papier ne sont que dans des musées. Il y en a 300, et ça rend les gens fous de curiosité ! En même temps, cela n’a pas de prétention : ils sortent de l’exposition en se disant qu’ils peuvent eux aussi faire une robe en papier !
Hubert d’Ursel : Votre talent unique pour les robes en papier vous a amené à créer plusieurs collections, vous avez exposé dans beaucoup de musées à travers le monde. Quelle est la collection qui vous a apporté le plus de plaisir ?
Isabelle de Borchgrave : Une des plus belles est « Papiers à la Mode », ma première exposition, qui raconte 300 ans d’histoire de la mode, d’Elizabeth 1re à Coco Chanel. Il y eut ensuite « Les Médicis », où l’on se promène dans les rues de Florence, pour rencontrer d’illustres personnages dans leur tenue d’apparat. Ils ont fait de la Renaissance une période lumineuse : dorures, perles, soie, velours... Ces collections m’ont demandé énormément de recherches à travers le temps, c’était un immense travail.
Et puis il y a eu la ville de Venise qui m’a demandé de raconter l’artiste Fortuny (Mariano Fortuny y Madrazo, né en 1871, et mort à Venise en 1949, est un peintre, graveur, couturier et créateur de textile espagnol actif à Venise). C’était fou parce que je le considère comme mon père spirituel. La façon dont cet homme a travaillé les formes et la couleur, c’est tout ce que j’aime.
Cela a été un moment très important dans mes créations. Il y a eu aussi les « Ballets Russes », c’est la collection la plus contemporaine. J’y ai rendu un hommage à Serge de Diaghilev tout en célébrant le travail de Pablo Picasso, Léon Bakst, Henri Matisse, qui ont dessiné les costumes de ces ballets. Les robes sont suspendues, elles sont en mouvement, ça crée une atmosphère assez extraordinaire.