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Investissement immobilier

Investir en immobilier : en privé ou en société ?

Christelle Wils - Senior Estate Planner
Adrien Biquet - Estate Planner
Qu’il porte sur le logement familial, une seconde résidence ou qu’il constitue une source de diversification des actifs, l’investissement immobilier suscite depuis toujours beaucoup d’intérêt en Belgique.

Une question récurrente à ce sujet est celle de savoir s’il est préférable de détenir de l’immobilier en privé ou par le biais d’une société. De premier abord assez simple, cette question appelle en réalité des commentaires très nuancés. Nous proposons d’en tracer les grandes lignes dans cet article.

Privé ou société : position du problème

Parmi différentes considérations, un élément important concerne le traitement fiscal de l’investissement immobilier. Celui-ci sera différent selon qu’il est réalisé en privé ou en société.
  • Le premier réflexe à cet égard est d’opposer les taux progressifs par tranche de l’impôt des personnes physiques – dont le taux marginal est de 50 % – au taux fixe de l’impôt des sociétés de 25 % (20 % dans certains cas). Si l’on se contente de cette comparaison, on devrait conclure que l’investissement en société est beaucoup plus avantageux d’un point de vue fiscal.
  • Cependant, le taux applicable n’est pas le seul élément important. La base imposable – c’est-à-dire les revenus qui sont soumis aux taux précités – est au moins aussi importante. La règle générale à l’impôt des sociétés est l’imposition des revenus réels (par exemple le loyer perçu). Cependant, en présence de frais importants (comme des amortissement, frais d’entretien, etc.) qui sont déductibles fiscalement, la base imposable diminue. A l’impôt des personnes physiques, en revanche, une telle déductibilité des frais n’existe généralement pas, mais l’impôt est prélevé sur un revenu fictif (moins élevé), calculé sur la base du revenu cadastral.
  • En outre, il ne faut pas perdre de vue qu’en cas d’investissement via une société, les revenus générés ne tombent pas directement dans le patrimoine privé de l’actionnaire/associé. L’attribution de ces revenus par la société à la personne physique emporte souvent un frottement fiscal supplémentaire.
  • Enfin, il existe de nombreux autres facteurs (notamment fiscaux) qui rendent l’analyse plus complexe et casuelle, comme les droits d’enregistrement applicables à l’acquisition, la détermination de la base imposable en cours de détention, l’imposition de la transmission, etc. Des facteurs non fiscaux, comme les capacités de financement (en privé ou en société) et le risque d’entreprise peuvent également jouer un rôle dans l’analyse. Cette multiplicité de facteurs rend l’exercice particulièrement complexe.
Il peut être indiqué d’analyser les « pour et les contre » dans les différentes phases de l’investissement immobilier. Il y a globalement trois phases à distinguer : une première phase d’acquisition ; une deuxième phase de détention du bien immobilier et une troisième phase qui concerne la transmission (vente) du bien immobilier (exit).

Quelle est la fiscalité applicable lors de l’acquisition ?

En règle, des droits d’enregistrement sont dus par l’acquéreur sur le prix d’acquisition. Le taux de base s’élève à 12,5 % en Région wallonne et à Bruxelles, et à 12 % en Flandre. Cette charge fiscale est déductible à l’impôt des sociétés.
Un particulier ne peut pas déduire fiscalement ces droits d’enregistrement, mais lorsque l’acquisition est effectuée par un particulier, il existe des régimes de faveur pour l’acquisition d’un logement familial (à certaines conditions). Il s’agit de l’application, à Bruxelles et en Wallonie, d’abattements sur la base de calcul des droits d’enregistrement (qui peuvent être majorés en cas de rénovation énergétique de l’habitation familiale) tandis qu’en Flandre, le taux est réduit à 3 % (lequel peut encore être diminué à 1 % en cas de rénovation énergétique de l’habitation familiale).

Comment sont imposés les revenus du bien en cours de détention ?

Le régime fiscal à l’impôt des personnes physiques dépend en grande partie de la destination donnée au bien immobilier.
  • S’il s’agit de l’habitation, il y a exonération à l’impôt des personnes physiques (rien ne doit être déclaré dans la déclaration fiscale). Dans les autres cas, il faut distinguer selon que l’immeuble est loué ou non.
  • Si l’immeuble n’est pas loué ou qu’il est loué à des fins privées (ex : un bail d’habitation), un revenu « fictif » sera imposable au taux progressif par tranche (au taux maximum de 50 %). Ce revenu fictif est calculé sur la base du revenu cadastral de l’immeuble ; il est en pratique bien moins élevé que la valeur réelle du loyer susceptible d’être obtenue, ce qui a pour effet de limiter la pression fiscale.
  • Si le bien est affecté à des fins professionnelles par le locataire (par exemple un bail de bureaux), le loyer brut perçu sera imposé aux taux progressifs de l’IPP, après déduction d’un forfait de frais de 40%. Il n’est pas possible de déduire des frais réellement exposés, ni des amortissements.
En société, la situation est différente : les loyers réellement perçus font partie du bénéficie imposable. En l’absence de location, il n’y a en revanche pas de revenu fictif qui est imposé pour autant que le bien soit affecté à l’activité de la société.
Si la société met le bien à disposition de son dirigeant qui l’affecte à des fins privées sans lui demander de loyer, celui-ci devra déclarer un avantage de toute nature, soumis aux cotisations sociales et à l’impôt des personnes physiques.
Par ailleurs, tous les frais exposés pour l’immeuble sont en principe déductibles du résultat imposable, en ce compris les amortissements comptables. En pratique, l’administration fiscale effectue toutefois des contrôles de plus en plus sévères en matière de déductibilité des frais.

En cas de revente, la plus-value sera-t-elle imposable ?

La situation est très différente selon que la vente du bien immobilier est réalisée par un particulier ou une société.
  • En société, la plus-value réalisée sera soumise à l’impôt des sociétés au taux de 25 %/20 %¹. Cette imposition immédiate peut être vue comme un grand désavantage dans la décision d’acquérir un bien immobilier en société ou non. Il existe cependant des possibilités d’étaler cette imposition dans le temps en application du régime dit de la « taxation étalée » pour autant que certaines conditions soient remplies (dont celle de réinvestir la totalité du prix de vente).
  • En privé, la plus-value réalisée en cas de vente du logement familial est exonérée d’impôt (si le vendeur a été domicilié dans le bien durant une année au moins). Dans les autres cas, la plus-value est exonérée d’impôt pour autant qu’elle soit réalisée après certains de délais de détention et/ou que l’opération rentre dans le cadre de la gestion normale du patrimoine privé. En outre, si, en tant que particulier, vous achetez et revendez « trop » de biens immobiliers et / ou que vous exercez cette activité de façon professionnelle, la requalification des plus-values en revenus professionnels ne peut être exclue !

Est-il possible au vu de ces règles de tirer une conclusion selon la destination du bien ?

De manière très générale, on peut considérer qu’une résidence principale sera de préférence acquise en personne physique. En effet, les régimes de faveur au niveau des droits d’enregistrement à l’acquisition, l’exonération du revenu cadastral et de la plus-value de cession à l’IPP constituent des arguments en ce sens. Il en est de même pour d’autres éléments (non-fiscaux), comme la protection légale du logement familial, l’exonération des droits de succession sur la valeur du logement familial au profit du conjoint survivant et le fait que l’habitation familiale n’est pas soumise aux (éventuels) risques d’entreprise.

Il y a également des arguments en faveur d’une acquisition en personne physique pour un bien destiné à un usage personnel (par exemple une résidence secondaire) ou en cas de location à des fins privées.

En revanche, si le bien est destiné à être loué à un locataire qui affecte le bien à des fins professionnelles (par exemple, des bureaux) et nécessite éventuellement des travaux, l’investissement en société peut se justifier. Entre autres considérations à cet égard, on relèvera le fait que, dans ce cas, la base imposable à l’IPP est à, l’instar de celle à l’impôt des sociétés, le loyer réel alors que les frais encourus sont déductibles en totalité uniquement à l’impôt des sociétés. Le fait qu’en pratique, les projets immobiliers sont plus facilement financés en société peut en outre constituer un argument non-fiscal.

L’état du bien a-t-il une importance ?

Les pouvoirs politiques attachent une importance accrue à rendre le patrimoine immobilier belge moins énergivore. Les règles varient d’une région à l’autre, mais sont toutes guidées par l’objectif d’améliorer le parc immobilier en (i) conditionnant le bénéfice de certains abattements à une obligation de rénovation et (ii) imposant des obligations qui s’échelonnent dans le temps (un horizon de 5 à 20 ans selon les obligations et les régions).

Parallèlement à ces mesures régionales particulières, il convient de noter que la performance énergétique des bâtiments entre également en jeu dans le cadre de l’analyse d’une demande de crédit pour financer l’acquisition du bien et qu’elle a été prise en compte pour limiter temporairement l’indexation des loyers.

Ce paramètre devient donc central dans la réflexion à mener pour choisir votre investissement. Les coûts liés aux éventuelles rénovations et leur financement sont des éléments importants qui entrent en balance dans la réflexion d’investir en privé ou en société.

Conclusion

Si vous envisagez de réaliser un investissement immobilier, prenez le temps d’identifier vos objectifs d’investissement et d’analyser les enjeux fiscaux, financiers et énergétiques de l’opération pour déterminer s’il sera plus opportun d’investir en privé ou via votre société.

Les experts du département Estate planning de Degroof Petercam pourront vous accompagner dans ces réflexions.
¹ A moins qu’elle puisse être imputée sur des pertes ou déductions fiscales.
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