En outre, les conventions préventives de double imposition ne se prononcent pas sur le taux de taxation d´un revenu ou d´un élément du patrimoine. La taxation effective ou pas, ainsi que les taux de taxation sont réglés par le droit interne de chacun des pays concernés, la convention se limitant à attribuer le droit d´imposer à un des deux Etats.
Notions d’Etat de résidence et d’Etat de la source
Ces notions sont récurrentes dans les conventions préventives de double imposition.
- On parlera d’Etat de résidence à chaque fois que nous évoquerons l’Etat dans lequel le contribuable a établi sa résidence ;
- On réservera l’expression Etat de la source (ou l’Etat d’origine) lorsqu’on visera l’Etat dans lequel les revenus envisagés trouvent leur source.
La méthodologie applicable en matière de détermination de la résidence fiscale
Les règles de détermination de la résidence fiscale applicables aux personnes physiques ont été conservées de même que la méthodologie y afférente. Ainsi, les critères prévus par la nouvelle Convention s’appliquent uniquement si en vertu des deux Etats, un contribuable est considéré comme « domicilié en France » ou « habitant du Royaume » de Belgique. Si tel est le cas, alors la Convention prévoit quatre critères pour déterminer l’État de résidence d’un contribuable :
- Le foyer permanent d’habitation (1) ;
- Le centre des intérêts vitaux (2) ;
- Le lieu de séjour habituel (3) ;
Ces critères sont d’application successive. Cela signifie que ce n’est que lorsque le premier critère ne permet pas de trancher le conflit de résidences qu’il convient de procéder à l’analyse des critères suivants et ce, dans l’ordre énoncé par la Convention.
1. La convention fait prévaloir l’Etat dans lequel l’intéressé a un foyer permanent d’habitation. Ce qui est visé ici c’est la libre disposition d’un bien immobilier de manière durable, et ce, quel qu’en soit le mode de détention. Il peut s’agir d’un bien dont un contribuable a la propriété, qu’il loue ou tout simplement mis à sa disposition à titre gracieux. Il n’y a pas de hiérarchie entre les modes de détention.
La permanence de l’habitation est essentielle pour l’appréciation de ce premier critère. Selon les commentaires OCDE, il doit s’agir d’un logement mis à disposition en tout temps, d’une manière continue et pas occasionnellement pour effectuer un séjour temporaire.
Cette notion est fondamentalement différente de la notion de « foyer » visée à l’article 4 B du Code général des impôts français. En effet, en droit interne français, un contribuable ne peut avoir qu’un foyer alors qu’en droit conventionnel, un contribuable peut avoir plusieurs foyers permanents d’habitation.
Si le contribuable possède un foyer permanent d’habitation dans un seul des deux États, sa résidence est déterminée sur base de ce premier critère ; Il est alors considéré comme résident du seul État dans lequel il dispose d’un foyer permanent d’habitation.
2. Si tel n’est pas le cas, il convient alors de s’intéresser au deuxième critère : le centre des intérêts vitaux. La nouvelle Convention entend par centre des intérêts vitaux, l’Etat avec lequel les liens personnels et économiques du contribuable sont « les plus étroits ».
3. Le troisième critère - le lieu de séjour habituel - ne doit être apprécié que si les deux premiers critères n’ont pas permis de trancher le conflit de résidences d’un contribuable. Il ne s’agit pas de prendre en compte le lieu de séjour « principal », c’est-à-dire l’État dans lequel le contribuable passe le plus de temps, mais le ou les États dans le(s)quel(s) le contribuable a l’habitude de séjourner.
4. Enfin, il convient d’avoir recours au dernier critère - la nationalité - lorsque les trois précédents n’ont pas permis de trancher le conflit de résidences. Si la résidence d’un contribuable n’a pas pu être déterminée en application des trois premiers critères, il sera considéré comme résident de l’État dont il a la nationalité.
Dans les rares hypothèses où un conflit de résidences ne saurait être résolu par les critères conventionnels pour un contribuable ayant la nationalité des deux États ou n’ayant la nationalité d’aucun de ces deux Etats, les administrations doivent alors trancher le conflit d’un commun accord.
De nouvelles règles en matière de revenus immobiliers :
La nouvelle Convention conserve le principe général en vertu duquel les revenus immobiliers sont imposables dans l’Etat dans lequel l’immeuble se situe. Les règles d’élimination de double imposition, en revanche, évoluent.
Le système de la Convention actuelle :
En matière immobilière, les deux Etats avaient opté pour un système d’exonération sous réserve de progressivité. Cela signifie concrètement :
- En France : un résident français détenant un bien immobilier situé en Belgique doit mentionner les revenus dans sa déclaration d’impôt sur le revenu des personnes physiques uniquement si le bien est donné en location. Ces revenus éventuels n’entrent pas dans la base imposable, mais sont pris en considération pour déterminer le taux d’imposition applicable aux autres revenus soumis au barème de l’impôt sur le revenu français.
Le système prévu par la nouvelle Convention :
Les deux Etats ont cette fois opté pour des mécanismes différents :
- En Belgique : théoriquement à la lecture des textes, un résident belge détenant un bien immobilier situé en France sera exempté sous réserve de progressivité d’impôt des personnes physiques en Belgique, à la condition que le bien immobilier fasse l’objet d’une imposition en France. En d’autres termes, les revenus des biens immobiliers qui sont mis en location et dont les revenus sont effectivement soumis à imposition en France, seront exonérés en Belgique sous réserve de progressivité. Mais qu´en est-il des biens immobiliers qui ne sont pas mis en location ? La taxe foncière ne pouvant pas être considérée comme un impôt sur le revenu, on peut légitimement se demander si la Belgique aura le droit d´imposer les revenus des biens immobiliers non mis en location. Il semblerait que la volonté des rédacteurs était de ne pas rendre taxables ces revenus en Belgique, que le bien soit loué ou non. Nous attendons donc des précisions à ce sujet.
- En France : le système de crédit d’impôt sera désormais applicable. Ainsi, un résident français détenant un bien immobilier donné en location situé en Belgique sera imposable en France sur ces revenus, mais pourra imputer un crédit d’impôt correspondant à l’impôt français (et non belge) uniquement si un impôt est effectivement acquitté en Belgique. Le changement de système sera donc sans impact pour les contribuables concernés sous réserve que le mécanisme français de prélèvement à la source (PAS) prévoit ce système de crédit d’impôt.
En matière immobilière toujours, qu’en est-il des plus-values immobilières ?
Une fois de plus, les règles différeront des deux côtés de la frontière :
- En Belgique : un résident belge restera imposable en France en cas de plus-value réalisée lors de la cession d’un bien immobilier en France et pour autant que le bien ait été détenu moins de trente ans).
Toutefois, la nouvelle Convention consacre la position de l’administration fiscale française et du Conseil d’Etat français³ en matière de société civile immobilière à prépondérance immobilière, c’est-à-dire de véhicules (actions, parts, société, fiducie ou institution comparable) dont les actifs sont constitués pour plus de 50% de leur valeur, directement ou indirectement, de biens immobiliers situés en France qui ne sont pas affectés par une telle société à l’exercice de son activité d’entreprise. La nouvelle Convention prévoit que les sociétés à prépondérance immobilière seront donc imposables en France.
A titre d’exemple, une plus-value réalisée lors de la cession de parts d’une société civile immobilière restera imposable en France, a priori quel que soit son régime fiscal, selon le régime de l’impôt des particuliers. En effet, le droit interne français prévoit que les non-résidents sont taxés selon le régime des particuliers en matière de cession de parts de société à prépondérance immobilière qu’elle soit assujettie à l’impôt sur le revenu ou à l’impôt des sociétés.
Les sociétés immobilières cotées sont quant à elles exonérées.
- En France : un changement important est à observer dans la mesure où sous l’égide de la Convention actuelle, un résident français réalisant une plus-value immobilière en Belgique est exonéré en France sous réserve de progressivité. En attribuant le système d’imputation, la nouvelle Convention permet à la France d’imposer les plus-values immobilières réalisées en Belgique par les résidents fiscaux français, et à la différence des revenus immobiliers, le crédit d’impôt correspond cette fois, non pas au montant de l’impôt français, mais au montant de l’impôt belge ; Or, en Belgique, les plus-values réalisées lors de la cession de secondes résidences sont exonérées après cinq ans de détention.
Relevons, par ailleurs, que si la nouvelle convention tranche la controverse concernant le pouvoir d'imposition des plus-values sur les parts d'une société détenant de l’immobilier en France (ce qui est généralement le cas des SCI françaises), elle ne semble en revanche pas résoudre le risque de double imposition des revenus distribués par une société translucide française, comme une SCI française non soumise à l'impôt sur les sociétés français. Ainsi, lorsqu’une SCI française remplit une déclaration fiscale en France, l'impôt dû sur les revenus (immobiliers) est perçu par la France pour le compte des associés (belges) de la SCI. Si ce revenu est ensuite distribué par la SCI, la Belgique imposera ce revenu à l'égard du ou des actionnaires belges sur la base de l'article dit "résiduel" de la convention actuelle. En conséquence, un associé belge sera imposé deux fois sur le même revenu : une fois par la France sur les revenus de la SCI et une seconde fois par la Belgique lorsque ces revenus sont distribués par la SCI. Et il est important de rappeler à cet égard que ce pouvoir d'imposition belge sur les distributions d'une SCI translucide française a été confirmé à deux reprises par la Cour de cassation.
En matière de dividendes
Les dividendes continueront à être traités fiscalement différemment des deux côtés de la frontière. En effet, les résidents belges percevant des dividendes de source française subiront à nouveau une double imposition du fait de la suppression de la quotité forfaitaire d’impôt étranger (QFIE) à la différence des résidents français qui auront toujours la faculté d’imputer la retenue à la source belge sur le montant de l’impôt français.
Rappelons que les conventions fiscales attribuent généralement à l’Etat de résidence le pouvoir d’imposition en matière de dividendes, mais que l’Etat de la source peut en principe appliquer une retenue qui sera désormais plafonnée à 12,8% des deux côtés de la frontière contre 15% sous l’égide de la Convention actuelle.
Côté belge, la suppression de la QFIE, mécanisme de crédit d’impôt permettant d’imputer un montant de 15% calculé sur le montant du dividende net frontière (net de retenue à la source française) conduit à la situation applicable avant 2020 à savoir : |
Dividende brut de source française | 100 € | 100 € |
Reteune à la source française de 12,8 % | 12,8 € | 12,8 € |
Dividende net frontière | 87,2 € | 87,2 € |
Précompte mobilier belge avant dèduction de la QFIE | 26,16 € | 26,16 € |
Quotité fortaitaire d'impôt étranger 15 % de 87,2 € | 13,08 € | Supprimé |
Précompte mobilier après déduction de la QFIE | 13,08 € | 26,16 € |
Imposition totale : Retenue à la source + Précompte - QFIE | 25,88 € | 38,96 € |
Dividende net | 74,12 € | 61,04 € |
Pression fiscale | 25,88 € | 38,96 € |
En matière d’intérêts
La nouvelle Convention a conservé le principe du droit d’imposition dans l’Etat de résidence, mais a supprimé le droit à l’Etat de la source de prélever un impôt.