L’achat scindé est la technique de planification patrimoniale consistant en l’acquisition démembrée d’un bien immobilier : classiquement, les parents achètent l’usufruit de ce bien tandis que les enfants acquièrent la nue-propriété de celui-ci. Bien souvent, la nue-propriété est acquise par les enfants au moyen de fonds qui leur ont été préalablement donnés par les parents. Un grand avantage de cette technique est que, sous certaines conditions, les droits de succession sur les biens immobiliers peuvent être limités. Achat scindé : les parents acquièrent l'usufruit
D’un point de vue civil, cela permet aux usufruitiers (généralement les parents), leur vie durant, de conserver la jouissance du bien (d’y habiter) ou d’en percevoir les éventuels revenus locatifs. Au moment du décès du (dernier) usufruitier, l’usufruit s’éteint et l’enfant devient automatiquement, par l’effet de la loi, plein propriétaire de l’immeuble, sans payer de droits de succession.
Achat scindé et droits de succession
D’un point de vue fiscal, lorsqu’un bien a été acquis par le défunt pour l’usufruit et par une autre personne pour la nue-propriété, une disposition fiscale¹ présume que le bien immobilier acquis en démembrement fait partie de la succession de l’usufruitier et qu’il est à ce titre, taxable en droits de succession en pleine propriété au décès de l’usufruitier à moins de prouver que l’opération n’est pas une donation déguisée. Dans ce dernier cas, aucun droit de succession ne sera dû.
Afin de déterminer la quote-part des nus-propriétaires dans le prix d’achat, il convient de veiller à respecter une valorisation correcte de l’usufruit. Pour ce faire, il est souvent fait référence aux tables civiles publiées au Moniteur belge chaque année (valeur exprimée en % tenant compte du taux d’intérêt moyen et des tables de mortalité).
Aux fins de renverser la présomption fiscale susvisée et donc de s’assurer de ne pas payer de droits de succession sur le bien immobilier, il est important que l’achat scindé respecte rigoureusement certaines conditions en fonction de la situation envisagée.
Lorsqu’on envisage un achat scindé, quels sont les scénarios possibles ?
1. Soit les futurs nus-propriétaires ont déjà les fonds nécessaires en pleine propriété pour l’acquisition de la nue-propriété de l’immeuble
Les futurs nus-propriétaires, déjà en possession des fonds nécessaires à l’acquisition de la nue-propriété, utilisent leurs deniers personnels afin de financer la nue-propriété de l’immeuble et s’en réserver la preuve.
Les nus-propriétaires pourront donc prouver qu’ils ont financé eux-mêmes l’acquisition de la nue-propriété et pourront donc démonter qu’il ne s’agit pas d’une donation déguisée et dès lors éviter les droits de succession.
2. Soit les futurs nus-propriétaires et les futurs usufruitiers ont déjà un compte démembré (usufruit / nue-propriété)
Si les futurs nus-propriétaires et les futurs usufruitiers ont déjà un compte démembré (issu d’une succession ou d’une donation notariée) et qu’ils ont la volonté commune d’acquérir un bien immeuble ensemble, ils peuvent utiliser le compte déjà immatriculé en usufruit / nue-propriété.
Si ce compte provient d’une donation, les parties veilleront à ce que soient prévus dans l’acte de donation, une clause de subrogation et un report du droit démembré (usufruit/nue-propriété).
3. Soit les futurs nus-propriétaires ne disposent pas des fonds nécessaires pour l’acquisition de la nue-propriété de l’immeuble
Dans pareil cas, les futurs usufruitiers peuvent donner préalablement aux futurs nus-propriétaires les liquidités nécessaires pour l’acquisition de la nue-propriété de l’immeuble.
Afin de pouvoir renverser la présomption fiscale, la donation préalable doit respecter certaines conditions et il convient d’en conserver la preuve afin au moment du décès de l’usufruitier d’éviter les droits de succession sur l’immeuble acquis.
La donation de la pleine propriété de liquidités peut se faire par un acte passé devant notaire² (situé en Belgique) ou par une donation indirecte (don bancaire)³.
Cette donation doit toutefois être préalable à l’acquisition de l’immeuble et chacune des parties doit financer à due concurrence sa part dans l’acquisition. A ce sujet, il convient d’avoir égard aux précisions apportées par chaque région.
La situation en Région flamande
En Région flamande, il n’y a pas lieu d’obligatoirement enregistrer une donation préalable à un achat scindé. La donation doit cependant intervenir avant la passation de l’acte authentique.
A cet égard, dans une décision du 28 septembre 2020, VLABEL confirme que la donation aux nus-propriétaires ne doit pas nécessairement intervenir avant le compromis.
Cette position s’applique pour les achats scindés effectués depuis le 14 octobre 2020.
Avant cette date, il faut se conformer aux positions VLABEL d’application au moment de la passation de l’acte d’acquisition scindé.
La situation en Région de Bruxelles-Capitale et en Région wallonne
Les deux autres régions n’ayant pas encore leur administration fiscale propre, c’est l’Administration fiscale fédérale qui reste compétente.
En région de Bruxelles-Capitale et en région wallonne, les fonds doivent avoir été donnés par acte authentique ou par donation indirecte (enregistrée ou non) avant le paiement par les nus-propriétaires de leur part dans le prix.
Il est encore à préciser que si un acompte (ou une garantie) est versé au compromis (ce qui est généralement le cas), le montant total à payer par les nus-propriétaires doit avoir été donné et crédité sur le compte des nus-propriétaires avant la signature du compromis de vente (que ce dernier soit assorti d’une condition suspensive ou non).