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Double imposition sur les dividendes français : fin de la saga ?

Double imposition des dividendes de source française : une nouvelle victoire

Jérémy Gackiere - Senior Estate Planner – Segment belgo-français
Christelle Wils - Senior Estate Planner
La presse et les praticiens en ont fait grand cas le mois dernier : l’administration fiscale a dû une nouvelle fois s’incliner face à la jurisprudence de la Cour de cassation dans la saga de la quotité forfaitaire d’impôt étranger (« QFIE »).
Pour rappel, la QFIE est le mécanisme de crédit d’impôt applicable pour les dividendes de source française perçus par les résidents belges qui a fait l’objet de nombreux litiges entre l’administration fiscale et les contribuables.
Ceux-ci semblent enfin avoir obtenu le dernier mot, en tout cas tant que l’actuelle convention franco-belge du 10 mars 1964 préventive de double imposition applicable en matière d’impôts sur le revenu reste en vigueur.
Rappel de l’arrêt du 16 juin 2017 : un premier échec pour l’administration fiscale belge
Pour rappel, en 2017 déjà, la Cour de cassation rappelait pour la première fois que l’administration fiscale belge était tenue d’appliquer les engagements conventionnels qui la liaient à la France en matière d’impôts sur les revenus et plus précisément en matière de dividende.
En effet, la Convention fiscale belgo-française prévoit un mécanisme d’élimination de la double imposition en matière de dividende dénommé « quotité forfaitaire d’impôt étranger » (QFIE) que nous avons commenté précédemment.

Nous pouvons résumer de manière chiffrée¹ l’imposition d’un dividende de source française perçu par un résident belge, telle qu’elle résulte de ce mécanisme (et selon les taux d’imposition actuellement en vigueur), de la manière suivante :
Double imposition sur les dividendes français : fin de la saga ?
Malgré cette première jurisprudence, l’administration fiscale belge rejetait majoritairement les demandes en restitution introduites sur la base de cet arrêt.

L’arrêt du 15 octobre 2020 : un second échec aboutissant sur une circulaire très restrictive

La Cour de cassation belge ayant de nouveau rendu un arrêt sans équivoque en faveur des contribuables, le Ministre des finances annonçait dans la presse² que « l’administration fiscale accepterait désormais d’imputer sur le précompte mobilier belge, une partie de l’impôt français comme le prévoit la Cour de cassation dans un arrêt du 15 novembre dernier ».
Toutefois, les contribuables ont pu constater avec désarroi, lors de la publication d’une circulaire du 28 mai 2021, la position restrictive³ de l’administration dans la mesure où l’imputation de cette QFIE sur l’impôt belge était subordonnée à la déclaration à l’impôt des personnes physiques du montant du dividende de source française, même dans le cas où, en raison du fait que celui-ci avait été versé sur un compte bancaire détenu en Belgique, il avait été soumis au précompte mobilier « libératoire ».
Le terme « libératoire » signifie que lorsqu’un revenu mobilier (en l’occurrence un dividende) a été soumis au précompte, le contribuable ne doit en principe pas déclarer ce revenu dans sa déclaration fiscale à l’impôt des personnes physiques.
Or, selon les exigences administratives publiées suite à la jurisprudence favorable de la Cour de cassation, si les dividendes (qu’ils aient été précomptés ou non) n’avaient pas fait l’objet d’une déclaration à l’impôt des personnes physiques, l’administration fiscale refusait l’imputation de la QFIE sur l’impôt belge, (pour plus d’informations à cet égard).

Ce point de vue administratif ne trouvait cependant appui dans aucun texte légal.

Outre une exigence de forme, s’en suivait également un délai d’action relativement court pour les dividendes perçus avant 2020 (qui en l’absence d’instruction administrative n’avaient en pratique pas été déclarés).

En effet, l’administration fiscale précisait dans ladite circulaire que pour les dividendes perçus antérieurement à 2020, la demande d’imputation « devait faire l’objet d’une réclamation introduite dans les six mois à compter du troisième jour ouvrable qui suit la date de l’avertissement extrait de rôle relatif à la cotisation comprenant l’imposition des dividendes » (autrement dit, il fallait suivre la procédure ordinaire de réclamation qui devait être introduite à l’époque dans un délai de six mois ⁴).

Cette position très contestable a logiquement fait l’objet de nouveaux contentieux devant les cours et tribunaux, lesquels ont parfois donné raison à l’administration fiscale, parfois au contribuable.

Tel est notamment le cas de la Cour d’appel de Gand, qui a rendu en date du 15 décembre 2020 un arrêt favorable au contribuable en faisant droit à sa demande de récupération de la QFIE sur les dividendes précomptés (mais non déclarés) de 2014 à 2017.
La même Cour a, en revanche, suivi la thèse administrative dans un arrêt ultérieur du 5 octobre 2021.
Les deux arrêts ont fait l’objet d’un pourvoi en cassation (le premier, introduit par l’Etat belge, le second par le contribuable).

Les deux arrêts de la Cour de cassation du 23 novembre 2023 :vers une victoire pour les dividendes soumis au précompte mobilier?

Dans ces deux arrêts, la Cour de cassation confirme qu’une disposition⁵ de droit interne ne peut faire échec à une stipulation conventionnelle conformément au principe de primauté du droit international.

Par conséquent, l’argument de l’administration consistant à subordonner le remboursement de la QFIE à une stricte procédure déclarative ne pouvait être opposé au contribuable, de surcroit dans la mesure où aucun texte ne le prévoyait clairement avant la publication de l’instruction susmentionnée.
Ainsi, la Cour a décidé que la QFIE devait être restituée quand bien même le dividende de source française avait fait l’objet d’un précompte mobilier libératoire et n’avait pas été mentionné lors de l’établissement de la déclaration d’impôt des personnes physiques comme l’exigeait l’administration.
La conclusion de la Cour de cassation était donc claire.
A nouveau, malgré ces deux arrêts de la Cour de cassation, chambre néerlandophone, l’administration a refusé de donner une suite positive aux réclamations des contribuables. Elle se retranchait cette fois derrière une procédure encore en cours devant la chambre francophone de cette même Cour. Sans doute espérait-elle un revirement de jurisprudence.

Arrêt de la Cour de cassation du 21 juin 2024 : victoire !

Ces espoirs se sont révélés vains. La chambre francophone a confirmé le 21 juin 2024 les décisions de novembre 2023.
Echec et mat pour l’administration fiscale qui a communiqué, neuf mois plus tard, vouloir définitivement enterrer la hache de guerre et parvenir à une solution constructive pour le contribuable.

Portée de la position administrative : nuances

Le délai de réclamation au précompte mobilier est de cinq ans à compter du premier janvier de l'année pendant laquelle le précompte a été versé au Trésor.
Pour les contribuables qui ont revendiqué l’imputation de la QFIE dans leur déclaration fiscale depuis l’exercice d’imposition 2021, revenus 2020 (conformément à la circulaire du 28 mai 2021) la nouvelle position administrative n’ouvre donc pas une nouvelle voie de recours. L’imputation de la QFIE a en effet été obtenue pour les années concernées.
Pour ceux qui ne l’auraient pas fait, une réclamation peut être introduite auprès du SPF Finances pour autant que les dividendes aient été soumis au précompte mobilier, ce qui implique qu’ils aient été versés sur un compte détenu auprès d’une banque belge.
Enfin, pour les contribuables qui ont des réclamations administratives ou procédures judiciaires en cours (par hypothèse pour les dividendes de source française perçus en 2019 ou antérieurement), l’administration devrait enfin donner à celles-ci une issue positive. Un courrier adressé en ce sens au fonctionnaire en charge peut éventuellement s’avérer opportun.
Si vous êtes concerné et êtes titulaire d’un compte auprès de la banque Degroof Petercam, votre chargé de relation est à votre disposition pour examiner, avec l’assistance du département Estate Planning, comment vous assister si vous le souhaitez.
Enfin, il est à souligner que la nouvelle Convention fiscale belgo-française7 du 9 novembre 2021, dont nous ne connaissons pas à ce stade la date d’entrée en vigueur, devrait, supprimer ce mécanisme de crédit d’impôt. Par conséquent, la pression fiscale sur les dividendes de source française devrait être portée à 38,96% contre 30% pour un dividende de source belge. Espérons cette fois que les instances européennes volent au secours du contribuable belge !
¹En prenant l’hypothèse d’un dividende d’un montant de 100 EUR.
²Article intitulé « Les dividendes français seront moins taxés en Belgique » publié dans L’Echo le 21 janvier 2021.
³Circulaire 2021/C/49 publiée le 28 mai 2021.
⁴Un délai de réclamation de 5 ans est prévu par le Code des impôts sur les revenus – CIR (procédure de dégrèvement d’office) à des conditions strictes qui n’étaient, à suivre l’administration, pas remplies.
Articles 17 à 22 et 161 à 296 du CIR92 Selon notre compréhension, il s’agirait du délai de 5 ans prévu à l’article 368 du CIR pour réclamer le précompte mobilier.
⁷ Voir à ce sujet notre précédente publication « Nouvelle Convention fiscale franco-belge : les principaux impacts en matière de fiscalité patrimoniale ».
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