La technique du legs en duo peut donc atteindre différents objectifs :
1. soutenir les œuvres caritatives et la philanthropie ;
2. favoriser des membres de la famille éloignée, des amis et des connaissances et ;
3. diminuer la charge fiscale relative aux droits de succession.
Il s’agit d’une situation win–win pour tout le monde… sauf pour le fisc. Le legs en duo est depuis longtemps dans le collimateur de l’administration fiscale (flamande). Dans la pratique, il s’est avéré que la technique du legs en duo était inspirée par des considérations principalement fiscales afin d’avantager au maximum le membre de la famille éloigné ou l’ami au détriment du but philanthropique. Dans certains cas, le solde revenant à l’œuvre caritative n’était pas suffisant pour payer l’ensemble des droits de succession. Dans de tels cas, l’objectif principal était de diminuer la charge fiscale et non de soutenir un projet philanthropique.
En Région wallonne et en Région de Bruxelles-Capitale : continuité
Pour les successions ouvertes en Région wallonne et en Région de Bruxelles-Capitale, il est toujours possible (pour l’instant) de bénéficier des avantages fiscaux offerts par le legs en duo. Dans ce cas, le legs en duo reste une technique de planification successorale appropriée lorsque qu’il convient de planifier son patrimoine, d’une part, en faveur d’un membre de la famille éloignée et, d’autre part, en faveur d’une œuvre caritative.
Dans ces deux Régions, il convient néanmoins de veiller à ce que l’objectif de la planification successorale n’ait pas pour unique but un avantage purement fiscal. Si tel était le cas, le legs en duo pourrait toujours être considéré comme un abus fiscal et l’administration fiscale pourrait ne pas tenir compte de la planification patrimoniale mise en œuvre. Plus concrètement, l’œuvre caritative doit en effet recevoir une part substantielle de la succession, et non seulement ce qui est suffisant pour payer les droits de succession.
La Région compétente pour percevoir les droits de succession est la Région dans laquelle le testateur a élu son domicile au moment de son décès. Si le testateur a eu différents domiciles en Belgique au cours des cinq années précédant son décès, on tient compte de la Région où le testateur a résidé le plus longtemps au cours de ces cinq dernières années.
Quels sont les changements à partir du 1er juillet 2021 pour les successions qui s’ouvrent en Région flamande ?
Le décret flamand du 19 mars 2021 limite le régime fiscalement avantageux de la technique du legs en duo. Bien que le legs en duo reste juridiquement possible, l'attrait fiscal disparaît. En effet, le gouvernement flamand estime que cette technique a trop souvent été utilisée en vue de réduire exclusivement ou principalement la charge fiscale relative aux droits de succession. Ces changements en Flandre sont entrés en vigueur le 1er juillet 2021 et s'appliquent à toutes les successions ouvertes en Région flamande à partir de cette date.
Si vous avez déjà fait un testament avec un legs en duo, cela ne signifie pas que votre testament n'est plus valable, mais cela change la façon dont les droits de succession seront calculés.
Lorsqu’un testateur, résidant en Flandre, décède après le 1er juillet 2021 et qu’une œuvre caritative est désignée dans un testament prévoyant un legs en duo, l'avantage fiscal est supprimé. En effet, la charge fiscale dans le chef de l’œuvre caritative augmenterait à un tel point que celle-ci ne verrait plus l’avantage d’accepter un legs en duo.
Prenons un exemple (repris également dans l'exposé des motifs du décret flamand) afin d’illustrer cela. Un testateur, résidant en Flandre, a fait un testament dans lequel il lègue l’ensemble de ses biens (d'une valeur totale de 500.000 euros) comme suit :
- des biens d'une valeur de 280.000 euros sont légués à son neveu (légataire particulier) ;
- les biens restants sont légués à une œuvre caritative (légataire universelle) pour une valeur de 220.000 euros, à charge pour celle-ci de payer les droits de succession pour le neveu.
Sans entrer en détail dans le calcul, des droits de succession de 260.500 euros seront dus par l’œuvre caritative en vertu des nouvelles règles en vigueur en Région flamande. Ce montant de 260.500 euros dû par l’œuvre caritative excède le montant que l'œuvre caritative recueillerait effectivement en vertu du testament (legs en duo), soit un montant de 220.000 euros.
Dans une telle situation, il est donc plus que probable que l'œuvre caritative rejette le legs en duo, ce qui était finalement l’intention du législateur flamand.
Que faire ?
Si, en tant que résident flamand, vous avez fait dans le passé un testament avec un legs en duo, il est conseillé de le revoir. Pour les résidents en Région wallonne et Région de Bruxelles-Capitale, rien ne change ; il n’y a donc, en principe, rien à entreprendre.
En Région flamande, il est probable que les œuvres caritatives refusent de nombreux legs en duo en raison de la méthode de calcul qui a été modifiée. En conséquence, le legs à d'autres membres de la famille éloignée, connaissances ou amis, sera entièrement imposé à un tarif élevé en droits de succession et l'avantage fiscal du legs en duo disparaîtra complètement. Par ailleurs, en fonction de la formulation du legs en duo reprise dans le testament, il est possible que, dans certains cas, le legs en faveur d’un membre de la famille éloignée, d’une connaissance ou d’un ami, ne sorte pas ses effets de sorte que l'héritage sera recueilli par d'autres personnes que celles mentionnées dans le testament.
Il est donc important de réexaminer au cas par cas la planification successorale mise en œuvre pour les résidents en Région flamande.
Il est nécessaire d'analyser, sur base d’une situation concrète, quelles sont les meilleures solutions et envisager dans certains cas certaines techniques telles que :
- faire une donation, de son vivant, à un membre de la famille éloignée ou à un ami (au lieu d'un testament) ;
- faire une donation ou un testament en faveur d'une œuvre caritative (taxée au nouveau taux de 0 %) ;
- faire un "héritage entre amis" (voir ci-dessous) ;
- élaborer d'abord une planification successorale en faveur du conjoint ou du partenaire survivant, puis, à un stade ultérieur, associer d'autres membres de la famille éloignée ou amis à cette planification patrimoniale.
Autres changements en Région flamande
Afin de compenser la perte d’attrait fiscal du legs en duo, le législateur flamand a introduit deux nouvelles dispositions intéressantes, à savoir ‘l’héritage entre amis’ et la réduction du taux à 0 % pour les donations et les legs en faveur des œuvres caritatives.
La technique de ‘l’héritage entre amis’ vous permet de léguer vos biens à un ami ou à un membre de la famille éloignée ; une partie de ce legs sera soumise à un taux réduit de 3 % (au lieu de 25 %).
Cela n’est possible que si vous indiquez dans votre testament l'ami ou le membre de la famille éloignée et que l'application de ‘l’héritage entre amis’ soit demandée expressément dans votre déclaration de succession. Le montant total auquel le taux réduit de 3 % s'applique est limité à 15.000 euros (une économie d’impôt de maximum 3.300 euros peut donc être réalisée).
Les autres avoirs de votre succession sont imposés aux taux progressifs ordinaires des droits de succession. Le taux réduit s’applique aux successions ouvertes en Région flamande depuis le 1er juillet 2021.
Outre ‘l’héritage entre amis’, le législateur flamand a également prévu une réduction du taux pour les legs et les donations faites en faveur des œuvres caritatives. A partir du 1er juillet 2021, les dons et les legs en faveur des œuvres caritatives sont taxés au taux de 0 % (au lieu précédemment de 8,5 % pour les legs et 5,5 % pour les donations). Pour les fondations privées, les anciens tarifs restent d’application.
On craignait que la suppression de l’avantage fiscal du legs en duo entraîne une perte importante de revenus pour les œuvres caritative. L'introduction du taux de 0 % pour les legs (testaments) et les donations faites en faveur des œuvres caritatives devrait compenser cette éventuelle perte de revenus.
En Région wallonne et en Région de Bruxelles-Capitale, les taux des droits de donation et de succession pour les associations sans but lucratif restent inchangés.
Les taux applicables aux donations et legs (testaments) en faveur des asbl dans les trois Régions peuvent être résumés comme suit :